Bilan des recherches et interprétations au 31.12.2020

Le dernier bilan de ce type dressé sur www.ramha.ch date de la fin de l’année 2018 et nous vous proposons tout d’abord de retracer les travaux réalisés ces deux dernières années ainsi que leurs implications.

Au niveau du Mur (dit) d’Hannibal lui-même, la dernière intervention archéologique sur le terrain RAMHA y a été conduite durant l’été 2019 avec le prélèvement d’un bloc micromorphologique dans l’un des bâtiments déjà explorés. Cette intervention avait été souhaitée suite à une table ronde des chercheurs collaborant sur le projet en janvier 2019 et l’étude de ce prélèvement est en cours actuellement. Les résultats préliminaires permettent déjà d’annoncer que la conservation des dépôts est très favorable et qu’un développement similaire aux prélèvements déjà étudiés semble se dessiner. Cette analyse viendrait ainsi confirmer l’aspect événementiel de l’occupation principale du site. Les résultats définitifs de l’étude sont attendus pour février.

En ce qui concerne l’étude des macrorestes végétaux, les observations sont terminées tandis que des comparaisons ainsi que la rédaction du chapitre sur les résultats doivent encore être réalisées. La majeure partie des observations sur les ossements et charbons de bois sont également terminées et leurs résultats sont attendus pour février.

L’étude palynologique sur la base des carottages du lac de Champex sera publiée dans le cadre d’un article durant le premier semestre 2021 puis ses résultats seront repris dans la monographie de site.

Une étude dendrochronologique est également en cours à partir des bois récoltés sur le Col d’Annibal. Ces derniers ont pu être synchronisés et devraient permettre l’obtention de datations absolues dans les semaines qui viennent. Une synchronisation avec des fragments de bois et des charbons de bois d’autres positions, dont du Mur (dit) d’Hannibal sera aussi tentée dans le cadre de ce travail.

La trentaine de datations par le radiocarbone réalisées à l’université de Berne en 2019 consolident également le modèle proposé pour l’occupation du Mur (dit) d’Hannibal est de plusieurs autres positions. En effet, la majorité de ces datations et plus particulièrement celles réalisées sur des macrorestes végétaux s’inscrivent dans une fourchette chronologique serrée cohérente avec les datations typologiques des objets récoltés. La période principale d’occupation du Mur (dit) d’Hannibal selon l’archéologie se situerait ainsi entre 45 (terminus post quem  radiocarbone) et 16/15 avant J.-C. (terminus ante quem sur la base des diamètres des clous de chaussures). Pour ce qui concerne l’interprétation fonctionnelle du site et la caractérisation de ses occupants, les hypothèses les plus probables de 2018 restent valables et se voient même renforcées (voir en fin de bilan).

Initialement prévue en février 2021, une table ronde des chercheurs travaillant sur le projet de publication a malheureusement dû être reportée à l’été en espérant que la situation sanitaire permettra sa tenue dans de bonnes conditions. Des visioconférences bilatérales ou en petits groupes se tiendront cependant en février pour que chaque chercheur présente ses résultats définitifs. L’objectif de posséder des chapitres et d’entamer l’édition du volume du Mur (dit) d’Hannibal est ainsi fixé à la fin 2021. La monographie sortirait donc durant l’année 2022.

La nécessité de poursuivre l’étude entreprise autour du Mur (dit) d’Hannibal pour mieux le comprendre dans son contexte avait été exprimée lors de la table-ronde de 2019. Les recherches sur des sites similaires se sont ainsi poursuivies aussi bien sur le terrain en Valais qu’en Vallée d’Aoste dans le cadre d’une collaboration RAMHA – Surintendance pour les activités et les biens culturels de la Région autonome Vallée d’Aoste.

On peut ainsi mentionner la découverte de deux nouveaux sites en Valais, et d’au moins un en Vallée d’Aoste. Ces nouvelles observations amènent à un total d’une vingtaine de positions recensées dont une dizaine ont été investiguées à des degrés variés.

Campement de l'équipe valdôtaine/valaisanne sur un site valdôtain en cours d'étude en été 2020 (© RAMHA 2020).

Campement de l'équipe valdôtaine/valaisanne sur un site valdôtain en cours d'étude en été 2020 (© RAMHA 2020).

En 2019 et 2020, deux campagnes d’investigations ont été conduites sur deux sites valdôtains déjà repérés anciennement et l’étude d’un troisième site fouillé durant les années 2000 a été reprise.

Les résultats obtenus permettent d’assurer que la dizaine de positions investiguées ont été occupées dans une fourchette chronologique similaire à la datation archéologique de l’occupation principale du Mur (dit) d’Hannibal (Seconde moitié du premier siècle avant J.-C.). Des objets inscrits d’un nom d’officier identique ont été retrouvés sur deux sites et permettent de proposer la présence de troupes de la même unité sur ces deux positions distantes de 3.8 km et visibles entre elles. L’observation de l’armement retrouvé sur plusieurs positions amène à réfléchir sur les éventuelles spécialisations des troupes engagées (fantassin, frondeurs, archers).

Pour le Valais, les sources historiques et archéologiques ont été croisées dans le cadre d’un article de synthèse à paraître en 2021 (Aberson et Andenmatten). Ce travail a permis de renforcer les hypothèses (Andenmatten et Aberson 2019) d’une intégration du Valais dans la zone d’hégémonie romaine plus précoce qu’habituellement retenue en 25 ou 16/15 avant J.-C. et d’un Mur (dit) d’Hannibal faisant probablement partie d’un réseau de positions dans le cadre des opérations militaires romaines autour et en territoire salasse entre 35 et 25 avant J.-C.

Bien que leur étude n’ai pas été réalisée sous cet angle, certains éléments militaires retrouvés au Col du Grand-St-Bernard pourraient être réinterprétés au regard des nouvelles données et attesteraient de circulation, si ce n’est d’une position similaire aux autres sur ce passage obligé prioritaire. Un choix qui semblerait presque nécessaire au vu des autres fortifications de cette même époque repérées sur l’arête frontière.

Le Mur (dit) d’Hannibal pourrait ainsi être l’une des positions occupées par les troupes romaines durant leurs opérations contre les Salasses entre 35 et 25 avant J.-C. Il est en effet visible depuis d’autres positions investiguées. Des communications depuis le Mur (dit) d’Hannibal, position tactique de contrôle d’une voie de rocade de l’axe du Grand-St-Bernard, jusqu’à l’entrée du Vallon de la Thuile, accès au Petit-St-Bernard où une occupation de la même période a été repérée, serait d’ailleurs possible en 4 relais sur des positions pour lesquelles des troupes romaines sont attestées durant la même période.

Quant à la datation de l’entrée du Valais dans la zone d’hégémonie romaine (voir Aberson et Andenmatten 2021 à paraître), les recherches sur le Mur (dit) d’Hannibal sont à l’origine des réflexions ayant amené à discuter les dates communément admise (25-16/15 avant J.-C.).  Le Bas Valais et le Valais central auraient ainsi peut-être déjà intégré l’imperium Romanum entre 57 et 35 av. J.-C., une à trois décennies plus tôt.

La poursuite des études à partir des investigations de terrain déjà réalisées, une nouvelle table ronde en été 2021 et des recherches préliminaires sur une ou deux positions inédites sont planifiées pour 2021. Espérons que les conditions leur seront favorables.