Bilan des recherches et interprétations au 31.12.2018

Après plus de douze années de recherches, notre vision du site archéologique du Mur (dit) d’Hannibal a totalement changé.

S’il semblait s’agir à ses débuts d’un site unique dont l’explication viendrait par la seule exploration archéologique locale, il est nécessaire de constater aujourd’hui, que cette position exceptionnelle par son emplacement et ses caractéristiques n’est pas seule et pourrait s’intégrer dans un dispositif tactique de plus d’une dizaine de sites non moins exceptionnels. La compréhension du Mur (dit) d’Hannibal passe dès lors par l’étude du réseau dans lequel il pourrait s’inscrire et les interprétations du site peuvent ainsi véritablement être confrontées à un ensemble comparable et aux sources antiques. Les implications historiques de cette recherche sont grandes car la mise en place de l’hégémonie romaine constitue l’entrée dans l’Histoire des Alpes Poenines.

Le Mur (dit) d’Hannibal

Cette position semble combiner deux types d’occupations avec une enceinte fortifiée monumentale et plus de trente cabanes sur l’arête rocheuse et le promontoire sud qui constituent les points hauts du site et plus d’une cinquantaine d’abris relativement frustes dans les moraines à sa périphérie. Si les vestiges de plusieurs passages postérieurs à l’occupation principale ont pu être observés au travers du matériel récolté sur les chemins et à l’extérieur des structures, l’ensemble issu des bâtiments est très cohérent et permet de dater l’occupation principale de la forteresse et au moins une partie, si ce n’est la totalité, des abris périphériques de la seconde moitié du premier siècle avant J.-C. L’intégration du site dans un dispositif et l’étude des sources antiques pourraient même permettre de réduire la fourchette aux années 35-25 avant J.-C. Une décennie marquée par trois interventions militaires romaines successives en territoire salasse ; la population qui occupait la Vallée d’Aoste.

 

Fig. 1 plan provisoire des vestiges ( © RAMHA 2019)

En ce qui concerne les occupants du site, il reste toujours difficile de leur proposer une identité. Leurs cultures matérielle et immatérielle (à l’exemple de l’inscription) semblent mixtes entre monde indigène et romain tandis qu’une séparation en deux horizons distincts reste impossible archéologiquement. Si une présence antérieure de l’un des deux groupes (des indigènes ou des romains) reste impossible à totalement évacuer, l’hypothèse la plus probable semble que la position ait été occupée par des auxiliaires de l’armée romaine ; des indigènes qui servaient Rome. 

Faire partie d’un dispositif ?

Ces auxiliaires auraient-ils alors participé à l’une des opérations romaines chez les Salasses. Le choix tactique de l’emplacement du camp fortifié, les datations similaires de plusieurs des autres positions explorées et leur intervisibilité directe ou indirecte (via des sites reconnus) seraient volontiers des arguments en ce sens. Sans l’exploration plus approfondie de l’ensemble du dispositif, il reste cependant difficile d’affirmer quoi que ce soit car les datations archéologiques à notre disposition (des fourchettes au mieux de 30 à 60 ans) ne nous permettent pas de vérifier si l’ensemble du dispositif correspond à un événement et la faible quantité de mobilier récolté est insuffisante pour tenter de comparer les occupants du Mur (dit) d’Hannibal avec ceux de la majorité des autres positions. Gageons cependant que l’augmentation des données issues des différents sites (surtout la découverte de nouveaux termini post quem, date après laquelle peut se passer un événement et la mise en évidence de la panoplie de chaque site) permettra dans les années à venir de consolider ou infirmer cette impression.

Plusieurs catégories de positions semblent par exemple déjà se dessiner sans pour autant être fermées, car des combinaisons ou des situations intermédiaires semblent possibles (à l’exemple du Mur (dit) d’Hannibal):

  • Campements ponctuels sans fortification (utilisation unique et vestiges très frustes presque sans mobilier ou niveau d’occupation, jusqu’à une cinquantaine d’abris)
  • Camps saisonniers sans fortification mais avec des cabanes (jusqu’à env. une trentaine de cabanes, niveaux d’occupation et mobilier varié)
  • Camps saisonniers fortifiés avec des cabanes (jusqu’à env. une trentaine de cabanes, niveaux d’occupation et mobilier varié)
  • Positions fortifiées (murs de barrages) avec occupations limitées (moins d’une dizaine à une dizaine d’abris, faibles niveaux d’occupation mais présence de mobilier, un stationnement complémentaire sans structure permanente sur ces positions reste une possibilité. 

Seule l’exploration plus approfondie d’une sélection des positions déjà repérées, et pourquoi pas la découverte de nouveaux sites, permettront de mieux comprendre et dater cette importante présence humaine en haute voire très haute montagne. Un phénomène qui semble unique dans l’histoire antique des Alpes.

Ces recherches en partenariat avec le Valais et la Vallée d’Aoste se poursuivront en 2019 en parallèle du projet RAMHA de publication et de valorisation.

Nous remercions pour leurs soutiens et leurs collaborations, Madame Caroline Brunetti, archéologue cantonale du Valais et Madame Alessandra Armirotti, notre référente auprès de la Soprintendenza per i beni e le attività culturali de la Regione Autonoma Valle d’Aosta ainsi que son équipe.

Nous profitions également de remercier encore la dizaine de bénévoles ayant participé à la campagne 2018 car rien n’aurait été possible sans eux.