Nota bene pour l’article du Nouvelliste du 09.08.2014, p. 7

Communiqué officiel concernant les recherches Archéologiques 2014 sur le Mur (dit) d’Hannibal

L’association de soutien aux Recherches Archéologiques sur le Mur (dit) d’Hannibal (RAMHA) a été créée en octobre 2011.
Les objectifs des trois campagnes de recherches planifiées sur le Mur (dit) d’Hannibal, sont d’en augmenter nos connaissances, de façon à en mieux comprendre la fonction, les aménagements et le contexte. Cette étude nous permet également d’approcher le lien entre les populations d’il y a 2000 ans et le milieu montagnard et de mieux connaître leurs modes de vie. L’association a aussi pour objectifs de publier ses résultats, de mettre en place un circuit didactique sur le site et de créer à Liddes un petit espace présentant ses découvertes.

Les recherches archéologiques 2014 sur le Mur (dit) d’Hannibal ont lieu du 7 juillet au 14 août.
Elles sont menées par une équipe de deux archéologues de l’association et de quatre étudiants de plusieurs universités de Suisse occidentale (Lausanne, Berne, Neuchâtel). Le projet est au bénéfice d’une convention avec l’état du Valais et de partenariats avec l’Université de Lausanne, avec la Commune de Liddes et avec la Bourgeoisie de Liddes.

C’est une chance pour un archéologue que de pouvoir participer à un tel projet, et ce grâce aux membres de l’association et son comité, formé de MM. Jean-François Copt (président), Daniel Lattion (vice-président), Jean-Bernard Morel (caissier) et Vincent Quartier-la-Tente (secrétaire et précurseur des recherches sur le site). Un nombre important de sponsors ont également amené leurs contributions au projet et rien ne serait possible sans leur générosité.

Le site du Mur (dit) d’Hannibal présente, entre autres intérêts, une enceinte de près de 270 m de long par, aux emplacements les mieux conservés, 2.1 m de haut sur 3.5 m de largeur, une inscription en caractères lépontiens (caractères étrusques réutilisés pour transcrire la langue celte, découverte en 2005 par Mme Anne-Françoise Quartier-la-Tente), et un nombre encore non clairement défini de petits bâtiments d’habitation.

Notre hypothèse de travail principale est à ce jour, que la position ait été un point de refuge, de contrôle territorial et d’annonce indigène sur une voie de rocade, à la hauteur d’une cluse sur l’axe du Grand-Saint-Bernard. Ce lieu aurait ensuite été réoccupé lors de l’annexion romaine. L’éventualité que le site soit purement romain (il aurait même pu être construit par des indigènes pour l’occupant) et qu’il s’agisse d’une position utilisée dans le cadre des conflits entre Rome et les populations régionale, peu avant, au moment de, ou peu après l’annexion du Valais ne peut cependant pour l’heure être écartée.

En 2014, nous avons pu mettre en évidence, les moitiés de trois petits bâtiments adossés contre l’enceinte et une partie de leurs aménagements intérieurs. Des fragments de céramique indigène, un vestige d’outil, des restes alimentaires et de nombreux clous de chaussures augustéens ont été découverts lors des travaux. Ces nouvelles données confortent certaines de nos hypothèses, dont celle qui tendrait à faire des occupants ou réoccupants romains les responsables du démantèlement et de la mise à bas, dès l’antiquité, de certains tronçons de fortification.

A la charnière entre deux mondes, les découvertes du Mur (dit) d’Hannibal nous permettent de mieux appréhender une période aux incidences encore nombreuses sur notre vie quotidienne.
Les événements qui marquent l’annexion de nos régions par Rome restent flous entre la bataille d’Octodure pendant la Guerre des Gaules en 57 avant J.-C. et l’intégration administrative du Valais en 15 avant J.-C. Le Chablais semble, quant à lui, déjà appartenir à la sphère d’influence romaine dès les années 50 avant J.-C. (avec la fondation précoce de Massongex). L’étude du Mur (dit) d’Hannibal permet de commencer à entrevoir les événements de cette période trouble.

Quant à Hannibal, s’il n’est assurément pas passé par le Grand-Saint-Bernard, il a éventuellement emprunté une partie de la basse vallée du Rhône, avant de bifurquer sur un col sud du massif des Alpes occidentales. L’écrivain américain Richard Halliburton est donc, très probablement, le premier homme à passer le Grand-Saint-Bernard à dos d’éléphant en 1935.

Concernant la non « priorité cantonale » du projet, je désirerais préciser ce propos qui sans son contexte perd tout son sens. Dans des moments de restrictions budgétaires, parfois même dans des domaines de base de l’état, il est à mon sens tout à fait déplacé de considérer des recherches fondamentales comme une « priorité cantonale ». La priorité, dans le cadre archéologique, va aux vestiges en danger. Ce qui n’est pas notre cas. L’association RAMHA et tous ses soutiens permettent dans ce sens, en collaboration avec les services de l’état du Valais que je tiens encore à remercier, des recherches impossibles sans une telle structure associative.

Je tiens encore à remercier plus particulièrement mon équipe de terrain : Aurèle Pignolet, Yanick Bourqui, Manuel Andereggen, Maxime Fischer et Paul-Emile Mottiez.

Romain Andenmatten, Responsable scientifique RAMHA 09.08.2014

Bibliographie de référence, convention et partenariats sur le site www.ramha.ch

La campagne 2014 débute… avec le retour de l’hiver !

Le 7 juillet, l’équipe de terrain a rejoint le site du Mur (dit) d’Hannibal. Deux allers-retours ont été nécessaires pour porter le matériel depuis l’alpage de Boveire jusqu’aux containers de la base de recherche.

La première montée a lieu sous un soleil de plomb mais dès la seconde, la pluie et le vent se mêlent de la partie. Le lundi soir, le matériel est rangé et l’équipe est prête pour débuter les travaux. Le groupe effectue un repérage général du site et des futurs emplacements de fouille.

Le 8 juillet, l’hiver fait son grand retour sur les hauteurs de Liddes. Tôt le matin, un vent violent souffle la neige sur la crête.

En milieu de matinée, une couche de neige d’une vingtaine de centimètres recouvre le site.

Commencer les travaux dans ces conditions étant impossible et les prévisions météorologiques étant plutôt négatives, la difficile décision de redescendre pour quelques jours est prise par le chef d’équipe. Le groupe remontera donc lundi 14 juillet, tôt le matin, ce qui marquera véritablement le début des travaux.

Après 2000 ans, le dieu Poeninus garde encore bien ses secrets…

Mise en place de la base de recherches

Le 28 août 2013, un hélicoptère Cougar des Forces Aériennes suisses a transporté l’ensemble du matériel de la base de recherches RAMHA sur le Mur (dit) d’Hannibal. Les deux containers, qui nous sont prêtés par l’entreprise Implenia pour la durée de notre projet, ont été mis en place et la base sera opérationnelle dès la fonte des neiges en 2014.

Nous remercions grandement la Région Territoriale 1 et les Forces Aériennes pour leurs soutien logistique par ce transport héliporté et le Canton du Valais qui nous a mis à disposition des crédits de vol par la demande de l’Architecte cantonal, Olivier Galetti.

La Quincaillerie Pfefferlé & Cie SA à Sion a soutenu nos acquisitions d’outillage en nous accordant un généreux sponsoring et la Commune de Liddes nous a mis du précieux matériel à disposition.

Les Forces Motrices d’Orsières participent à notre location d’un système de production solaire d’électricité.

Grâce à ces généreux soutiens, la base est en place. Qu’ils soient tous remerciés ainsi que les personnes qui ont participé à ces travaux.

En tractation avec plusieurs partenaires dans le cadre de notre plan de financement, le projet a d’ores et déjà reçu les promesses de soutien de la Loterie romande, de l’Archéologie cantonale valaisanne et du Service de la culture de l’Etat du Valais.

Message du responsable scientifique de RAMHA

Le patrimoine archéologique de montagne en danger

Lorsque l’on parle de pillage archéologique, on pense immédiatement aux vols d’objets de valeur qui ont lieu à l’étranger, et aux problèmes de transferts de biens culturels au niveau international.

Bien plus proche de nous, la prospection sauvage (souvent au moyen de détecteurs de métaux, sans autorisation, sans aucune problématique archéologique et sans notifier les contextes de découverte) fait un massacre sur les sites archéologiques de montagne. Ces sites ne présentent que peu de sédimentation, ce qui met immédiatement en danger les couches archéologiques en place et les objets datants qui pourraient s’y trouver (des objets souvent métalliques).

En ce mois de juillet 2012, le Mur (dit) d’Hannibal a malheureusement été la cible de prospecteurs qui y ont effectué plusieurs sondages illicites. Ces personnes ont retourné le terrain sur plusieurs dizaines de centimètres de profondeur et à au moins un endroit sur près d’¼ de m2. Ces destructions semblent même avoir été planifiées à l’aide de l’article publié sur nos recherches dans l’Annuaire d’Archéologie Suisse en juin 2011, de par les emplacements choisis par les détectoristes.

Que dire sinon notre douleur, notre incompréhension et notre impuissance devant cet acte. En Valais la prospection est interdite avec quelque moyen que ce soit sur l’ensemble du territoire sans une autorisation spéciale de l’archéologie cantonale. Sur un site classé en zone archéologique, où un projet de recherche est en cours et où les rares objets datants découverts sont en métal, c’est plus qu’un gâchis, c’est tout simplement criminel…

Il est possible que les pillards n’aient pas découvert d’objets d’intérêt car le site est parsemé d’éclats d’obus. Ils ont cependant détruit des niveaux archéologiques en place qui peuvent se trouver à moins d’une dizaine de centimètres de la surface et contenir des éléments datants ou portant d’autres informations dont des vestiges non-métalliques.

Ces personnes spolient voire détruisent un bien commun et nous en appelons à tout un chacun pour nous aider dans la protection de ce patrimoine en danger qui seul nous permettra de mieux connaître le passé de la région.